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André MALRAUX, LES CHÊNES QU’ON ABAT… (Gallimard, 1971), chronique de Jean-François REVEL dans L'Express du 29 mars 1971, extraite de LES IDÉES DE NOTRE TEMPS, Robert Laffont, 1972.



Les Chênes qu'on abat... est un de ses meilleurs livres…
Charles 
Dantzig (Dictionnaire égoïste de la littérature française, Grasset, 2005)



Les remarquables chroniques de Jean-François Revel parues dans L'Express de 1966 à 1971 ont été sélectionnées et réunies dans le recueil Les idées de notre temps (Robert Laffont, 1972), qui constitue une suite aux textes des Contrecensures (Pauvert, 1966).

S'agissant d'André Malraux, deux livres signés par le ministre font l'objet d'une critique à leur sortie : Antimémoires (Gallimard, 1967 – voir ici Ad Revel 2) et Les chênes qu'on abat... (Gallimard, 1971). Cette dernière chronique est titrée "Un goût de néant : de Gaulle parle à Malraux". Elle constitue une satire des idées du Général, telles que rapportées par son zélateur, sans que l'on sache dans quelle mesure le témoignage est fidèle – ou plutôt, tout en sachant qu’il est une œuvre d’imagination, car en fait il ne s’agit nullement d’un témoignage puisque l’auteur avoue dans la Préface : « ce livre est une interview comme La Condition humaine était un reportage... » Jean-François Revel le prend toutefois au sérieux et le considère comme étant le reflet des idées du Général.

Avant d’examiner l’ article de Revel, il est nécessaire de prendre connaissance de l’évolution profonde qu’a subie le texte de Malraux, comme tous ses essais, à quelques exceptions près. Après parution, ils ont en effet ensuite été retitrés, reclassés, corrigés, amendés, complétés et augmentés, parfois lourdement. Au point que l’auteur des Notes sur le texte dans l’édition définitive de la Bibliothèque de la Pléiade, Marius-François Guyard, avoue : « ...une histoire d’ensemble du texte est impossible » (p. 1145). Ici, la reparution retouchée a eu lieu dès 1976, en Folio, puis de nouveau en 1996, en Pléiade, jointe à celle de La Tête d’obsidienne, Lazare et Hôtes de passage pour composer l’ouvrage unique La Corde et les souris, lequel forme le second volume de Le Miroir des limbes, le premier étant constitué des Antimémoires, là aussi après profonde révision et augmentation. Ces retouches et remaniements peuvent être constatés sur l’évolution de 1971 à 1996 d’un extrait ci-joint.

Il faut aussi attirer l’attention sur la quatrième de couverture de 1971, inepte, disparue ensuite, rédigée par Jean Grosjean, ami et protégé de Malraux, rencontré au camp de prisonniers de Sens en 1940. Elle souligne, d’ailleurs comme l’auteur lui-même modestement dans la Préface, disparue elle aussi, combien nous sommes chanceux de disposer du compte-rendu d’une conversation entre d’aussi grands hommes, alors que l’on ne sait rien des rencontres entre Voltaire et Frédéric, ou Diderot et Catherine II – ou que Napoléon ne rencontrait personne et qu’il « ne dictait qu’à des secrétaires » (des « secrétaires » Talleyrand, Fouché, Cambacérès …?).

Ajoutons enfin que M. Guyard n’hésite pas à signaler les écarts avec la vérité. Par exemple, lorsque la célèbre première phrase des Antimémoires est « Je me suis évadé, en 1940, avec le futur aumônier du Vercors », il indique en note (p. 1165) : « L’évasion de Malraux date du 1er novembre 1940 ; prisonnier avec lui à Collemiers (Yonne), l'abbé Magnet s'évada quelques semaines plus tard, regagnant sa Drôme natale. Résistant actif, il fut abattu le 27 août 1944, près de Dieulefit, et non « aux Glières », où les combats avaient cessé en mars 1944. »

L’édition de 1996 en Pléiade (Œuvres complètes III) est donc très utile et d’achat indispensable, d’autant qu’elle est d’un prix fort abordable actuellement puisqu’il est possible de se la procurer, d’occasion et dans un état « comme neuf », livrée à domicile, pour un montant de 30 euros environ.



© J. Haussy, Janvier 2020