Sartre

LETTRES AU CASTOR ET QUELQUES AUTRES (2 tomes), de Jean-Paul SARTRE, Gallimard, 1983

 

Les positions respectives de Sartre et Malraux dans le monde des lettres et l’opinion du premier sur le second ont déjà été abordés ici (Cf. paragraphe Sartre vs Malraux à l’article Bernard-Henri Lévy), mais ces sujets sont loin d’avoir été épuisés. Voici donc quelques compléments.

D’abord un extrait de la biographie d’Annie Cohen-Solal (1985) (dans laquelle on trouvera les références des citations). Nous sommes en 1937 :

« Qui est ce nouveau Jean-Paul ? » demande André Gide à Paulhan dès sa première lecture du « Mur » , dans la revue de la N.R.F. « Il me semble qu’on peut beaucoup attendre de lui poursuit-il. Quant à [sa] nouvelle, je la tiens pour un chef-d’œuvre… » Conversations littéraires autour de cette première découverte : « Combien je préfère cela au Temps du mépris de Malraux » explique Jean Schlumberger à son ami Gide. Et ce dernier de répliquer : « Moi aussi du reste. Ce qu’écrit Malraux peut être fort intéressant, mais il n’a pas le sens de la langue ».

Puis des extraits des Lettres au Castor. Nous sommes pendant la « drôle de guerre » et Sartre, mobilisé, est cantonné en Alsace ou en Lorraine. Il écrit à Simone de Beauvoir, le « Castor ». Jean Paulhan lui a envoyé les livres de Malraux en vue de lui faire écrire sur l’œuvre de ce dernier (ne revenons pas sur l’opinion sur Malraux exprimée dans une lettre du 14 octobre 1939 : « Le con » - voir Lévy) :

13 avril 1940 - Je lis La Condition humaine et je vois bien ce qu’il a essayé de faire sentir : une fatalité reprise et assumée par une volonté. C’est tout de même assez heideggerien. Mais il y a des passages ridicules (« l’érotisme » de Ferral) et d’autres mortellement ennuyeux...

15 avril 1940 - J’ai fini Le temps du mépris qui est profondément abject. Vraiment à mille lieues au dessous de La Condition humaine, je ne sais pas ce qui lui a pris d’écrire ça. Mais il y a vraiment d’assez bons passages dans La Condition humaine, et j’approuve bien fort son antipsychologisme…

16 avril 1940 - Je lis L’Espoir - qui n’est pas bon…

26 avril 1940 - Je languis sur L’Espoir, qui est plein d’idées mais bien ennuyeux. Il lui manque un rien, à ce type, mais qu’est-ce que ça lui manque !…

 

décembre 2003