Le grandiloquent

Le grandiloquent, de François Taillandier, Le Figaro magazine, 27 avril 2001

 

 

A l’occasion de la parution de la biographie d’Olivier Todd, Le Figaro a réalisé un dossier sur Malraux avec des textes de huit auteurs, dont Max Gallo qui a écrit une critique du livre, et avec des photos : l’une d’elles, montrant le héros portant casquette d’aviateur, blouson et manteau de cuir, est légendée : « pilote de guerre en Espagne ». Tous sont des admirateurs du grand homme, sauf François Taillandier, dont on a la surprise de lire la charge reproduite ci-dessous.

François Taillandier, né en 1955, est journaliste (Livres-Hebdo, La Montagne…), essayiste (Aragon, Borges…) et romancier (Grand prix de l’Académie française en 1999 pour Anielka…).

A retenir un reproche, fait par des gaullistes, notamment Paul-Marie Coûteaux, et présent aussi chez Taillandier : il ferait de l’ombre à de Gaulle ! A signaler enfin, dans le cahier Figaro madame du même jour un article intéressant de Stéphane Denis titré Malraux, côté femmes.

 

 

Je dois à André Malraux une des pires déceptions de ma vie, que beaucoup de gens, je crois, ont partagée. Moi, petit Auvergnat, en lisant le roman de Hugo, j'imaginais Notre-Dame de Paris comme un grand vaisseau de pierre obscur, effrayant et mystérieusement protecteur. Et voilà que, à ma première visite de la capitale, je découvris une pâtisserie fraîche, un truc tout neuf, tout propret... Il m'a fallu des années pour aimer Notre-Dame quand même. Mais il faut bien comprendre que Malraux a donné le coup d'envoi de la disneylandisation de Paris.

Le personnage est un mythomane. L'écrivain est pompeux et grandiloquent. Ses romans à thèse et sa philosophie gesticulatoire ne peuvent impressionner que lorsqu'on a 15 ans et que l'on n'a pas assez lu. Cent pages de Céline (pour savoir ce que c'est que la prose), n'importe quel tome de Valéry ouvert au hasard (pour savoir ce que c'est que la pensée), et il n'y a plus de Malraux.

Il ne sait même pas s'effacer devant le général de Gaulle. Les Chênes qu'on abat sont d'une outrecuidance ahurissante. Toute sa vie, Malraux a compensé un grand vide intérieur par l'enflure de soi et du style. D'ailleurs, ce qu'il a fait de mieux, ce sont quelques discours de comice agricole.

 

 

 

Mars 2006