Brassens

GEORGES BRASSENS - ENTRE LA RUE DIDOT ET LA RUE DE VANVES


Ils s'en sont retournés sans finir leur boulot,
Entre la rue Didot et la rue de Vanves,
Fredonnant un mélange
De Lily Marlène et d'Heili Heilo,
Entre la rue de Vanv's et la rue Didot.

Une supposition : qu'ils aient comme Malraux,
Entre la rue Didot et la rue de Vanves,
Qu'ils aient comme ce branque
Compté la musique pour moins que zéro,
Entre la rue de Vanv's et la rue Didot,

M'auraient collé au mur avec ou sans bandeau,
Entre la rue Didot et la rue de Vanves,
On lirait, quell' navrance !
Mon blase inconnu dans un ex-voto,
Entre la rue de Vanv's et la rue Didot.


La chanson Entre la rue Didot et la rue de Vanves, dont voilà un extrait, raconte un épisode de l'Occupation. Deux "sbires avec leurs noirs manteaux" venus arrêter le héros ont tourné les talons après l'avoir entendu jouer de la guitare. Georges Brassens n'a pas eu le temps de l’enregistrer, et c'est Jean Bertola qui l'a fait sur l'album Les dernières chansons (1982). La rue de Vanves s'appelle maintenant, depuis 1945, rue Raymond Losserand. Brassens la cite aussi dans la chanson Le Vieux Léon : ...Les bons enfants/D'la ru' de Van-/Ves à la Gaîté...

À lire des Alix de Saint-André et frères de Saint-Cheron on pourrait croire que la jeunesse de la fin des années 60 et du début des années 70 était foudroyée d'admiration à la lecture de Malraux. Je pense au contraire qu'elle partageait majoritairement l'opinion de Georges Brassens. Je peux témoigner que, à l'école d'ingénieurs où j'étais étudiant, si les prestations télévisées d'André Malraux (et encore plus de de Gaulle !) attiraient beaucoup de monde devant le poste du foyer des élèves, c'était à cause de leur ringardise désopilante et de leur comique involontaire. La révolte de mai 68 a d'abord pour origine le mépris (réciproque) dans lequel toute une génération tenait la classe politique dirigeante de cette époque. Et lorsque dans le bus 96 la voix annonce "Prochain arrêt Michel Debré", je ne peux m'empêcher de sursauter, et de me tordre de rire (l'arrêt s'appelait Croix Rouge jusque fin 2005 - merci, monsieur Delanoë ! La statue monumentale du sculpteur César Le Centaure orne ce qui fut le carrefour de la Croix Rouge, et maintenant la place Michel Debré. L'artiste aurait-il apprécié, lui dont c'était "l’œuvre fétiche" ? Voir http://www.jean-charles-hachet.com/Cesar-mon-Centaure.html).


© Jacques Haussy, janvier 2013