CenT ANS DE Goncourt

CenT ANS DE Goncourt, Libération, Télérama et autres

 

Le prix Goncourt fête son centième anniversaire. Libération du 23 octobre publie un article très lucide sur ce prix, et répond à la question « A quoi sert le Goncourt ? » par « à faire vendre, et à faire vendre beaucoup, en donnant un label qualité française à un roman grand public ». Parmi ceux qui se sont bien vendus, celui qui s’est le mieux vendu, et de loin, est La Condition humaine, avec 4 millions d’exemplaires en France seulement (2ème  : Raboliot de Maurice Genevoix, 1925, avec 3 millions, 3ème : L’Amant, de Marguerite Duras, 1984, avec 2,5 millions). On veut croire que ce succès de La Condition humaine n’a pas entraîné la conséquence notée par Jacques Bonnet, éditeur et coordinateur en juin du numéro d’Esprit consacré à l’édition française : « …à chaque fois qu’on donne un prix pour des raisons autres que littéraires, on nuit à la lecture. Le lecteur pense qu’il n’est pas fait pour lire puisqu’il est déçu par le livre dont on lui a dit qu’il était le meilleur. » En effet, ce roman n’a pas été couronné pour des raisons littéraires. Il est maintenant admis que Malraux est « un mauvais grand écrivain » (voir Clerc/Le Monde sur ce site) et, en 1933, le prix, pour satisfaire l’esprit des Goncourt qui est de distinguer « un auteur au début de sa carrière, mais capable de produire une œuvre apportant un ton nouveau, et destiné à marquer durablement la production romanesque », aurait dû revenir bien sûr à Le Chiendent, premier roman de l’immense Raymond Queneau. De plus, son attribution à donné lieu à des manœuvres dont la répétition et la banalité n’excusent pas l’indignité (voir Casanova).

 

Les gogos

Mais surtout, sa fortune littéraire repose sur l’imposture d’avoir fait croire que l’auteur avait participé aux évènements de Shanghai. On ne sait rien du culot dont est capable un escroc si l’on n’a pas vu Malraux dire devant les caméras de Pathé Journal, dans une pose très étudiée et sur un ton sentencieux et inspiré : « J’ai essayé d’exprimer… et de montrer quelques images de la grandeur humaine, les ayant rencontrées dans ma vie dans les rangs des communistes chinois… » Les plus avertis se sont laissé prendre (voir un extrait de Joseph Kessel dans Malraux grand homme ?) et les supposés « vie écrite et livres vécus » continuent d’avoir du succès jusqu’auprès des gogos d’aujourd’hui (voir Lévy sur ce site).

Télérama du 29 octobre cite certains de ces gogos. Philippe Claudel, écrivain : « Malraux, ou comment ne pas passer à côté de l’un des chefs-d’œuvre de la littérature du XXème siècle » ; Charles Kermarec, libraire à Brest : « Ce livre figure parmi ceux qui, adolescent, m’ont éveillé à la littérature et au monde » ; François Wolfermann, libraire à Strasbourg : « La densité, l’urgence et la mobilité de son écriture sont toujours là ».

Le témoignage du libraire brestois permet de souligner une autre des causes du succès de La Condition humaine, déjà rencontrée d’ailleurs avec Alix de Saint-André (voir Saint-André) : la prescription de sa lecture par les enseignants du secondaire, qui a fait des ravages sur des générations d’adolescents.

Le journal 20 minutes du 31 octobre cite un extrait du dernier livre de Philippe Claudel (qui vient d’être couronné par le prix Renaudot) : « Les bonnes personnes partent vite. Tout le monde les aime bien, la mort aussi. Seuls les salauds ont la peau dure. Ceux-là crèvent vieux en général, et parfois même dans leur lit. » Son Malraux est mort à un âge respectable, dans des draps armoriés. Est-il visé ?

 

© Jacques Haussy, novembre 2003

 

 

Petit bonus pour les fidèles : l'illustration pour La Condition humaine extraite du dossier de Libération Cent ans de Goncourt sur le Net (www.liberation.fr), par Marcelino Truong (voir Saint-André sur ce site)

 

 

 

© Marcelino Truong