Eisenstein

Sergueï M. EISENSTEIN



 


Potemkine Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein (1898-1948) est un cinéaste russe auteur de 17 films de long métrage. Il obtint un succès mondial dès le deuxième, Le Cuirassé « Potemkine » (1925). En France, où ce film ne fut pourtant montré qu’en projection privée en novembre 1926, le retentissement fut immense et immédiat. André Malraux participa d’enthousiasme à l’engouement. Il eut l’occasion de rencontrer son auteur à Paris à la NRF en 1932, puis lors de ses voyages en URSS de 1934 et 1936. Il n’eut de cesse de tenter d’adapter pour le cinéma son roman La Condition humaine et de le faire réaliser par S.M. Eisenstein. L’affaire est relatée par Olivier Todd (pp. 207-211) qui va jusqu’à publier un extrait du « synopsis » rédigé par Malraux. Mais, « Finalement, Eisenstein […] sent qu’il ne s’entendra pas à l’arrivée avec l’auteur – et les autorités supérieures. Il abandonne. »

Cet Eisenstein est-il aussi génial et incontestable que le pensent Malraux et ses amis communistes ? Voici l’avis d’un personnage d’un auteur d’aujourd’hui dans un livre titré Tout le pouvoir aux soviets (Patrick Besson, Stock, 2018, pp. 166-167) :

Le jour se lève tard, le 7 novembre, et finit tôt. Ilitch a fait l'inverse. Le gouvernement provisoire siège toujours au palais d'Hiver. Dans l'après-midi, Lénine paraît à la tribune de l'assemblée plénière du Soviet de Petrograd. Kerenski s'est déjà enfui du palais d'Hiver quand, à 21 heures, celui-ci est bombardé à blanc par le croiseur Aurore. Le palais est investi tard dans la nuit. Tu as vu le film d'Eisenstein. Combien de fois ? Au-dessous de dix, tu n'es pas un bon communiste français. Les communistes français sont des fanatiques d'Octobre, les non-communistes français aussi. Les Russes, moins. J'avoue, au risque de choquer ton goût d'intellectuel de gauche parisien, que le pompiérisme hystérique de cet homosexuel affolé — le ridicule des petits blonds en minirobes blanches qui pêchent l'esturgeon pour le servir à menus pas de geisha sur la table d'Alexandre Nevski dans Alexandre Nevski — ne m'a jamais ébloui. Staline ne partageait pas mon avis, puisqu'il n'a jamais envoyé le réalisateur au Goulag. Nous ne parlions pas de cinéma avec le secrétaire général du PCUS décédé en mars 1953. Il était pourtant cinéphile, comme toi. Et moi.

 

© J. Haussy, février 2020