Dictionnaires

DICTIONNAIRES ANDRÉ MALRAUX

DM11 - Charles-Louis Foulon, Janine Mossuz-Lavau, Michaël de Saint-Cheron, CNRS éditions, octobre 2011

DM15 - Jean-Claude Larrat, Classiques Garnier, juillet 2015




Dès le 23 octobre 2011 on pouvait lire sur ce site ( Site ) :

Hier à la fnac j'ai feuilleté ce pavé qu'est le Dictionnaire Malraux (890 pages 17x24). Compte tenu du nom des responsables de cette publication j'attendais des gloses. Je ne suis pas déçu. Même Pierre Cambon, dont on espère lire un jour une expertise de la "Collection Malraux", à partir notamment du portfolio de 1932 (avec l'article de Josef Strzygowsky The Afghan stuccos of the N.R.F. collection), se livre à une glose de l'article de la NRF de février 1931 Statues Gothico-bouddhiques, c'est-à-dire "le sourire de l'ange de Reims, blablabla". J'ai toutefois repéré des articles passionnants. Sur Albert Beuret par exemple, coiffeur et sergent, qui fut le factotum et l'exécuteur testamentaire d'André Malraux. Il faudra y revenir bien entendu !

L’occasion d’y revenir ne s’était pas encore présentée que déjà un nouveau Dictionnaire était publié. Pourquoi ce nouveau dictionnaire ? Le premier était insuffisant? Comportait trop d’erreurs ? Trop de manques ?… Le préfacier, Henri Godard, ne répond pas à ces questions et ne cite même pas le prédécesseur. Au contraire, il avance avec prétention (p. 32), que « Le dictionnaire… est le gardien de l’exactitude des faits... » On verra très vite, aussi bien dans le DM11 que dans le DM15 (les deux dictionnaires de 2011 et 2015 seront désignés par ces abréviations), combien cette assertion est fausse, et combien ces deux ouvrages sont farcis d’erreurs.

Par exemple, lorsque l’on a eu besoin d’en savoir plus sur Pascal Pia et Malraux on s’est tourné vers le DM15, dernier dictionnaire en date et peut-être donc le meilleur sur le sujet. Consternation ! Le récit de cette expérience désolante est fait sur ce site à Pia. On n’y revient pas. On se rabat sur le DM11 (lequel a déjà été commenté ici à Dictionnaire) : excellent ! Il est vrai écrit par Mme Mossuz-Lavau herself. Laquelle a même rencontré le personnage, sans qu‘elle en ait appris davantage sur les activités et les travaux littéraires communs à nos deux héros, ni même sur aucun autre sujet : tout ce qui est rapporté figure chez R. Grenier et M. Guittard, mais M. Nadeau, R. Fayt, J. Legris-F. Caradec…. sont ignorés. Le point sera ici tout de même accordé au DM11.


Objets archéologiques du Gandhara

Un sujet passionnant et considérable, qui demande à être approfondi, est celui du trafic d’objets archéologiques du Gandhara. Il a été abordé ici à maintes reprises et sous divers angles (voir à l’index thématique sous le titre L’Art du Gandhara). Sujet remarquable par son importance quantitative puisque plus d’une centaine de pièces sont concernées, et parce qu’il a engendré des revenus appréciables pendant de nombreuses années pour le couple Malraux et la famille Gallimard. Il s’agit pourtant bel et bien d’un trafic. Les protagonistes du voyage en Afghanistan étaient d’ailleurs bien conscients du caractère illégal de leur équipée puisqu’ils la comparent avec celle du Cambodge : "Je rate une première fois [au Cambodge], je réussis la seconde [en Afghanistan]" (Clara M., Voici que vient l’été, p. 128). Mais on ne s’attend pas à ce qu’aucun des deux dictionnaires rédigés pour l’essentiel par des universitaires utilise le mot « trafic ». Malraux trafiquant, vous n’y pensez pas ! Naguère, sur La 5ème, Frédéric Ferney, avait posé la bonne question : « Olivier Todd, dénigrer - ce que vous ne faites pas - dénigrer Malraux, ce serait dénigrer la France, les Arts, la Révolution, la Résistance, l’Aventure, l’Orient, le Gaullisme... c’est impossible, vous n’avez pas osé, personne ne peut oser ! »Les universitaires et fonctionnaires n’osent donc pas. Un autre mot tabou est « censure ».  De retour d’une bibliothèque de prêt avec le DM15 en janvier 2017 on remarquait : « J'ouvre au hasard : Paravents (Les), un article de près d'une page (sur 1215), à visée laudative. Fort bien. Mais rien à Religieuse (La), à Passion en violet, jaune et rouge, à Octobre à Paris, etc. Rien non plus à Censure, bien entendu. On comprend tout de suite que l'ouvrage va être rigoureux, impartial et honnête. Il va être universitaire français, quoi ! Je crains, hélas, que ce Dictionnaire me donne de nombreuses occasions de m'indigner... »

Revenons au Gandhara. Dans le DM11 ce n’est rien moins que Pierre Cambon, conservateur en chef du Musée Guimet, qui en est chargé. Il introduit son article Afghanistan et art gréco-bouddhique ( moins de 1500 mots ) par : « Malraux a popularisé le style gréco-bouddhique au niveau du public, grâce à sa collection de stucs aux origines voilées d’un parfum de mystère... » C’est tout sur l’origine de la collection ? C’est tout ! Quoique les origines de la collection n’aient rien de mystérieux, Malraux n’est donc qu’un simple collectionneur… On rappellera que lorsque ce M. Cambon a organisé en 2001-2002 une exposition Afghanistan une Histoire Millénaire, à Barcelone et Paris avec le Musée Guimet et la banque « La Caixa », il y a inclus des pièces de la « Collection Malraux », ce qui en assurait ainsi le blanchiment. LMalraux - Genie aux fleurs ’une de ces pièces (le fameux faux « génie aux fleurs » - photo ci-contre - voir ici Afghanistan) a d’ailleurs servi pour la 1ère de couverture du catalogue de l’exposition. Merci M. Cambon !

Dans le DM15 au contraire c’est la profusion d’entrées : Expositions réalisées à la Galerie de la NRF 1930-1935, Galerie de la Pléiade (La), Gandhara, Œuvres gothico-bouddhiques du Pamir, Œuvres indo-hellenistiques, VoyagesCes articles sont bien entendu redondants, d’autant que loin d’enfoncer le clou du trafic ils contribuent à le dissimuler. Examinons-en quelques-uns :

- Galerie

Les renseignements fournis proviennent intégralement d’Olivier Todd (au chapitre Voyageur marchand, p. 125 – en annexe figurent les noms des autres porteurs de parts). Todd en 2001 mentionne la fonction d’André : Secrétaire rémunéré, mais pas celle de Clara : Directrice. Il n’a cependant pas pu avoir connaissance de l’ouvrage remarquable André Malraux et la tentation de l’Inde (2004) qui contient des documents et informations capitaux sur l’activité de la galerie et notamment (p. 86) le fac-similé d’un reçu de la Librairie Gallimard signé André Malraux le 26 juin 1930, lequel confirme sa fonction véritable : Acheteur ;

- Voyages

L’article traite de l’ensemble des voyages, y compris de ceux effectués dans les livres, donc des voyages imaginaires. Ceux-ci ont quelle utilité ? Quant au voyage aérien vers Sanaa, à la recherche de la Reine de Saba, il fait l’objet d’un article particulier à l’entrée « Saba ». S’agissant des grands voyages de 1929-30-31 qui nous intéressent ici, c’est la consternation : il continue (p. 1175) de dater de 1931 le voyage (« la mission ») « d’acquisition d’œuvres d’art pour le compte de la Galerie de la nrf », et reproche à Malraux de le dater de 1929. Répétons une fois de plus que ces œuvres d’art ayant été montrées à la Galerie (de la Pléiade ou de la nrf) début 1931 ne peuvent avoir été acquises qu’auparavant, donc, à l’évidence, en 1930 ;

- Gandhara

C’est un assez long article (3 pages - plus de 1800 mots) excellent. Tout est abordé, y compris les noms des découvreurs et commentateurs de l’art du Gandhara (Cunningham, Marshall, Foucher, Hackin, Barthoux, Duthuit, Deydier, Grousset… A noter que le DM11 ne s’est pas contenté de citer Duthuit et le « Coup du Gandhara », il en a fait une entrée et un article signé Yves Beigbeder). Inutile de consulter les articles gréco-gothico-hellenisto-indo-bouddhiques, ils n’apportent rien de plus, sans parler que, selon Duthuit, cet art du Gandhara bénéficie d’« un apport non pas grec mais romain » !


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Il ne s’agit pas d’effectuer une évaluation comparative des deux dictionnaires : ils présentent tous deux des défauts et seraient à la rigueur complémentaires. Il faudrait les consulter tous deux. Comme de plus ils sont fort onéreux et pondéreux, ils sont donc dispensables.