MALRAUX ET LE PRIX NOBEL

Il était admis jusqu'ici qu'André Malraux était un écrivain digne du prix Nobel et que celui-ci ne lui avait pas été attribué parce qu'il était gaulliste. Il était en quelque sorte un chahid, un martyr du gaullisme. C'est la thèse qu'expose l'article du Figaro dont un extrait est fourni ci-dessous. Un article du Monde paru quelques jours plus tard donne une explication tout autre, la vraie raison, puisée dans les archives du jury du prix : l'oeuvre de Malraux était trop mince pour être couronnée ! Encore une légende qui s'effondre...


Stéphane Denis dans Le Figaro 5 décembre 2008 :

Il y a toujours du passionnant dans une « Pléiade ». Même à propos de Camus, dont les deux derniers volumes comprennent L'Homme révolté (1956) et le dossier du Nobel (1957).
Mais enfin le Nobel est le « seul prix qui compte, le plus substantiel et le seul qui ait un retentissement mondial ». Camus le porte très bien. La preuve, les communistes sont furieux, qui font de son œuvre « un hymne à la révolte stérile ». Et naturellement les partisans de Malraux qui déplorent le choix du jury. Mais Malraux a été ministre, il le redeviendra, il est gaulliste de surcroît, les Nobel ont écarté Malraux et Saint-John Perse. Ils se rattraperont pour Saint-John Perse, mais pas pour Malraux, définitivement drapé dans la pourpre de la Ve République. Aussi Camus fait-il l'impression d'un écrivain neutre, tout couturé des coups que cela lui valait, d'une sorte de rescapé de nos passions françaises.


Le Monde du 27 décembre 2008 :

Comment choisit-on un Nobel ? Le fonctionnement de l'institution suédoise est entouré de mystère, entre autres parce que ses archives sont tenues secrètes pendant cinquante ans. C'est donc cette année, en 2008, que se sont ouvertes celles de 1957, année où Albert Camus a obtenu le prix Nobel de littérature. Le nom de l'auteur de L'Etranger circulait depuis la fin des années 1940, en même temps que celui d'André Malraux. Entre les deux hommes, ce sera le match de la décennie. Le Monde a consulté les archives de l'académie suédoise pour en faire le récit.

1954 : Le cas Malraux occupe beaucoup les Nobel. Les Suédois ont de la tendresse pour lui. Il y a eu Le Musée imaginaire (1947), Les Voix du silence (1951)... Mais "sa candidature ne peut pas être d'actualité tant qu'il ne revient pas à la forme romanesque".

1957 : Malraux, pour sa part, a publié L'Espoir (1937), "il y a vingt ans", précise le comité. Quant à La Lutte avec l'ange (1943, réédité en 1948 sous le titre Les Noyés de l'Altenburg), l'autre publication digne d'être évaluée pour le Nobel, "elle demeure un fragment d'une oeuvre inachevée". Le comité ne peut donc pas "estimer qu'il y aurait une quelconque injustice, si l'académie donne la priorité au plus jeune Camus, un écrivain actif et encore riche de promesses qui est actuellement au centre de l'attention du monde littéraire, même au-delà des frontières de la France".


janvier 2009