VIRAGE SUR L’AILE, de Ignacio HIDALGO de CISNEROS, Les éditeurs français réunis, 1965

 

 

Ignacio Hidalgo de Cisneros était le général en chef de l’aviation républicaine, donc le responsable supérieur de la glorieuse escadrille de Malraux. C’est dire que son témoignage est capital. Malheureusement, celui-ci n’est pas tout à fait conforme à la légende qu’ont construite et entretiennent les falsificateurs habituels, les Nothomb et Semprun et autres. Il est de ce fait le plus souvent tronqué et c’est pourquoi il est important de le lire en entier. Le voici donc :

 

 

En même temps que les Dewoitine et les Potez, arrivèrent en Espagne douze ou quinze pilotes français, conduits par André Malraux.

Je ne doute pas que Malraux ne fût à sa manière un progressiste, ou qu’il ne cherchât de bonne foi à nous aider. Peut-être aspirait-il à tenir chez nous un rôle analogue à celui que joua lord Byron en Grèce ? Je ne sais, mais ce que je peux affirmer, c’est que si l’adhésion de Malraux, écrivain de grand renom, pouvait utilement servir notre cause, sa contribution en tant que chef d’escadrille s’avéra tout à fait négative.

André Malraux n’avait pas la moindre idée de ce qu’était un avion, et il ne se rendait, je crois, pas compte qu’on ne s’improvise pas aviateur, surtout en temps de guerre. Quant à l’équipe qu’il amena avec lui, je regrette d’avoir à décevoir ceux qui virent en eux des héros romantiques, des combattants de la liberté, dont le geste aurait racheté l’inqualifiable conduite d’un gouvernement dont la tartuferie égalait la scélératesse. Certes, dans le nombre, il y en eut trois ou quatre qui étaient des antifascistes sincères, venus en Espagne animés par leur idéal, et qui firent preuve d’un incontestable héroïsme. Les autres n’étaient que de simples mercenaires, attirés par l’appât du gain. (Se rend-on compte de ce que représentait à l’époque un salaire mensuel de cinquante mille francs ?) Malraux, ignorant des problèmes de l’aviation, ne jouissait auprès d’eux d’aucune autorité, et l’on peut facilement imaginer de quoi sont capables des types de cette sorte, livrés à eux-mêmes. Loin d’être une aide, ils furent une charge.

A plusieurs reprises je demandai leur licenciement, mais le gouvernement espagnol s’y opposa, prétextant de la mauvaise impression que cela causerait en France, si nous renvoyions ces hommes qu’une propagande maladroite présentait comme « les héroïques défenseurs de la liberté ».

Pour en terminer, je voudrais dire qu’à nos yeux, ceux qui représentèrent véritablement la France, furent les volontaires des Brigades internationales qui laissèrent famille et situation pour se battre à nos côtés. Ceux-là se comportèrent en héros et, grâce à eux, le drapeau français flotta avec honneur sur tous les fronts où se jouait le sort de la République.

 

 

décembre 2003

 

 

 

La vie de Ignacio Hidalgo de Cisneros y Lopez de Montenegro est abondamment décrite sur de nombreux sites internet. On se contentera donc de dire qu'il est né en 1894 à Vitoria et mort en 1966 à Bucarest. Ses Memorias sont parues à Paris d'abord en espagnol en 1964 sous 2 tomes titrés Cambio de rumbo et La Republica y la guerra de España.